L’enquête internationale TALIS 2024 pointe l’insuffisance, voire le retard de la formation initiale comme continue. Alors que les enseignants français sont de plus en plus confrontés à des défis pédagogiques, technologiques et sociaux, les formations initiales comme continues peinent à les préparer et les accompagner. Que souligne TALIS 2024 pour la France ? Le manque de formation initiale, une formation continue jugée peu utile, une absence de mentorat et de temps pour des pratiques plus coopératives. Cerise sur le gâteau : un déficit de compétences numériques, domaine où les enseignants français sont peu outillés.
Une formation initiale jugée insuffisante pour près d’un professeur sur deux
Seuls 53 % des jeunes enseignants français, ayant terminé leur formation initiale au cours des cinq dernières années, estiment que celle-ci était de qualité. Ce taux est bien inférieur à la moyenne OCDE de 75 %, traduisant un malaise profond quant à la pertinence et l’efficacité de la formation reçue.
Les faiblesses de la formation initiale se concentrent sur des enjeux pourtant cruciaux : seuls 14 % des jeunes enseignants se sentent bien préparés à enseigner dans un environnement multiculturel ou multilingue, contre une moyenne nettement supérieure dans les pays de l’OCDE. En ce qui concerne le développement des compétences sociales et émotionnelles des élèves, seuls 13 % des enseignants se disent prêts à y répondre, et 50 % à utiliser les outils numériques pour enseigner.

Une complexité croissante du métier, sans outils pour y faire face
La diversité des élèves s’intensifie, en particulier dans le contexte de l’école inclusive. 74 % des enseignants français exercent désormais dans des établissements où plus de 10 % des élèves ont des besoins éducatifs particuliers, contre 46 % en moyenne dans l’OCDE. Cette proportion a augmenté de 32 points depuis 2018, une progression bien supérieure à celle observée dans d’autres pays.
Pourtant, seuls 53 % des enseignants estiment pouvoir adapter leurs tâches d’apprentissage à ces élèves aux profils spécifiques, un chiffre inférieur à la moyenne OCDE de 62 %. Ce décalage montre à quel point la montée en complexité de l’enseignement n’a pas été accompagnée par une adaptation des formations, des outils ou des ressources. Les enseignants français manquent de formation sur les enjeux d’aujourd’hui.
Enseigner les compétences sociales et émotionnelles : un déficit de confiance
Le développement des compétences sociales et émotionnelles chez les élèves est largement reconnu comme essentiel à leur réussite. Mais en France, seuls 52 % des enseignants estiment être capables d’accompagner efficacement cet apprentissage, contre 73 % en moyenne OCDE. De même, 51 % se sentent à l’aise pour enseigner ces compétences, alors que 86 % des enseignants en moyenne dans l’OCDE expriment cette aisance.
Ce manque de confiance révèle un déficit structurel de formation sur ces enjeux, pourtant de plus en plus présents dans les classes et mis en avant par le ministère.
Une formation continue peu efficace et peu accessible
La formation professionnelle tout au long de la carrière, censée combler les lacunes de la formation initiale, ne remplit pas son rôle. Seuls 35 % des enseignants français estiment que les formations suivies au cours des douze derniers mois ont eu un impact positif sur leur pratique, contre 55 % en moyenne OCDE.
Les besoins sont pourtant bien identifiés : 28 % des enseignants demandent une meilleure formation pour enseigner aux élèves à besoins éducatifs particuliers, 24 % pour l’usage de l’intelligence artificielle, et 20 % pour le soutien au développement socio-émotionnel des élèves.
Chez les enseignants débutants, les besoins en formation sont encore plus marqués : 37 % déclarent avoir un besoin élevé de formation sur les élèves à besoins éducatifs particuliers, 29 % sur la gestion de classe et 28 % sur le soutien socio-émotionnel.
Les obstacles à l’accès à la formation sont récurrents : 71 % des enseignants citent le manque de temps en raison d’autres responsabilités, 59 % évoquent des conflits avec leur emploi du temps professionnel, et 56 % dénoncent une offre de formation non pertinente. Ces freins sont encore plus marqués chez les débutants.
Un accompagnement à l’entrée dans le métier encore trop faible
L’arrivée dans la profession est une étape déterminante, mais trop peu encadrée en France. Seuls 56 % des enseignants ayant rejoint leur établissement depuis moins de cinq ans déclarent avoir bénéficié d’un dispositif d’accueil formel ou informel, contre une moyenne OCDE de 72 %.
Le mentorat, pourtant reconnu pour son efficacité, reste peu développé : seuls 17 % des enseignants débutants en bénéficient, contre 26 % en moyenne dans l’OCDE. Ce manque d’accompagnement rend l’entrée dans le métier plus difficile, augmentant le risque d’isolement, d’épuisement et de désengagement.
La culture de la coopération et des pratiques collaboratives nécessitent de la formation, comme du temps de concertation, absent dans les établissements hors éducation prioritaire renforcée.
Intelligence artificielle : des enseignants inquiets
L’intégration, la compréhension du numérique, et en particulier de l’intelligence artificielle, constitue un défi majeur pour l’école. Mais en France, seuls 14 % des enseignants disent avoir utilisé l’IA dans leur travail, contre 36 % en moyenne OCDE. 39% des enseignants du 1er degré expriment des inquiétudes sur l’IA.

Lorsqu’ils l’utilisent, c’est principalement pour apprendre ou résumer un sujet (63 %), préparer des cours ou des activités (50 %), ou accompagner les élèves à besoins éducatifs particuliers (32 %). Les usages plus avancés (évaluation, suivi des performances, rédaction de commentaires) restent très marginaux.
La principale raison de cette faible adoption est le manque de compétences : 79 % des enseignants déclarent ne pas avoir les connaissances nécessaires pour intégrer l’IA dans leur enseignement (contre 75 % en moyenne OCDE). De plus, 50 % estiment que leur établissement ne dispose pas de l’infrastructure technique adéquate, un taux supérieur à la moyenne OCDE (37 %).
Le métier d’enseignant est complexe, pour débuter comme pour durer, la formation est nécessaire pour accompagner les enseignants à faire réussir tous les élèves.
Inclusion, IA, CPS, réforme de la formation sont les projets mis en avant par les gouvernements depuis 2018. Autant de points jugés (plus) négativement par les personnels dans l’enquête depuis l’édition précédente. Un bilan des mandats du président Macron ? L’enquête montre l’insatisfaction croissante des enseignants comme leur sentiment croissant de dévalorisation à lier avec des questions de souffrance et de santé des personnels, un angle mort de l’enquête.
Djéhanne Gani