Parcours des jeunes placés : que d’inégalités tout au long de la vie !

Placés mais pas épargnés, voilà le constat à la lecture du rapport de France Stratégie sur les trajectoires des enfants placés. 7 fois plus de situations de handicap chez les enfants placés, très tôt orientés vers le marché professionnel : c’est en France, plus de 340 000 jeunes pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), dont environ 310 000 mineurs et 34 000 jeunes majeurs. Malgré l’objectif de protection, ces jeunes cumulent des inégalités sociales, scolaires et de santé, notamment liées au handicap. Parmi eux, une part significative est confrontée à une précarité extrême : environ 4 % des jeunes placés se retrouvent sans domicile stable à leur majorité, selon les données récentes.

Parcours scolaires heurtés dès le primaire

Les jeunes placés vivent des parcours scolaires marqués par de fortes difficultés : « Les jeunes placés connaissent des trajectoires scolaires particulièrement heurtées, avec un taux de redoublement élevé dès le primaire et un recours fréquent aux classes spécialisées », souligne la note de France Stratégie (2024). les jeunes placés sont deux fois plus souvent sans diplôme (17 %) que l’ensemble des jeunes (8%).

Les enfants placés suivent beaucoup plus fréquemment que les autres jeunes des études professionnelles courtes. À 20 ans, ils sont davantage sur le marché du travail et moins souvent dans l’enseignement supérieur que les autres jeunes. 30 % des jeunes placés sont diplômés d’un CAP ou BEP, contre seulement 13 % des jeunes globalement, et 20 % sont d’origine ouvrière. Très peu accèdent à l’enseignement supérieur : « À 20 ans, seuls 4 % des jeunes placés poursuivent des études supérieures, contre 17 % pour l’ensemble des jeunes ».

À 17 ans, près d’un jeune placé sur cinq né en France éprouve des difficultés en lecture et en écriture du français. Pour comparaison, lors de la journée Défense et Citoyenneté en 2014, moins de 10 % des 750 000 jeunes participants de 17 ans et plus faisaient état de tels problèmes.

28% des enfants placés sont dans des classes d’enseignement spécialisé, en grande difficulté ou en situation de handicap (contre 4%).

Handicap : une surreprésentation 

Le handicap est un facteur aggravant : « Les situations de handicap sont sept fois plus fréquentes chez les jeunes placés que dans la population générale des 15-19 ans, avec 10 % d’entre eux concernés contre 1,2 % en moyenne ». « 8 % des jeunes placés sont accompagnés par des structures médico-sociales, contre 1 % dans la population générale », ce qui complique d’autant plus leurs parcours.

Lien école – ASE : un partenariat à renforcer

La note insiste sur l’importance du partenariat entre l’Éducation nationale et les services de protection de l’enfance : « La réussite scolaire doit devenir un objectif explicite du placement, ce qui suppose une meilleure coopération entre les professionnels de l’ASE et les équipes éducatives ».

Pistes d’amélioration

Pour réduire ces inégalités, le rapport préconise de « faire de la réussite scolaire un objectif prioritaire du placement, dès le plus jeune âge »« renforcer la coopération entre l’ASE et l’Éducation nationale pour assurer un suivi éducatif cohérent et adapté aux besoins spécifiques des jeunes placés » et de « mettre en place un suivi statistique régulier pour mesurer l’efficacité des politiques publiques et ajuster les dispositifs d’accompagnement ».

Parce qu’ils cumulent des vulnérabilités multiples, notamment le handicap, les jeunes placés doivent être au cœur d’une politique éducative ambitieuse. « C’est à cette condition que la protection de l’enfance peut véritablement devenir un levier d’égalité des chances », conclut le rapport.

L’échec scolaire massif des jeunes placés ne doit pas être considéré comme une fatalité individuelle : il est le symptôme d’un échec collectif – celui d’un système qui peine à protéger et à éduquer ceux qui en ont le plus besoin.

Djéhanne Gani

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