« Près de 4 enseignants sur 10 ont plus de 50 ans en France ». Dans un contexte de pénurie et crise du recrutement, que dit le rapport de l’OCDE sur le métier enseignant : vieillissement, manque d’attractivité du métier, salaires inférieurs. Quelles sont les spécificités françaises ? des professeurs plus âgés avec plus d’élèves, moins bien payés, avec un milieu de carrière oublié, plus de contractuels dans le second degré. Tour d’horizon sur la question du métier de professeur.
La question du renouvellement du corps enseignant devient un enjeu central des politiques éducatives. L’ensemble des pays de l’OCDE connaît un vieillissement du corps enseignant qui, combiné aux difficultés de recrutement et à la faible attractivité du métier, fragilise les systèmes éducatifs. En France, avec 39 % des enseignants du secondaire âgés de 50 ans ou plus en 2023, et des salaires plus bas, cette tendance est plus nette et s’accompagne de postes non pourvus, et d’un nombre de vacataires plus élevé que dans la moyenne des pays de l’OCDE. Comment faire face aux départs en retraite ?
Près de 4 enseignants sur 10 ont plus de 50 ans en France
Entre 2013 et 2023, l’âge moyen des enseignants a augmenté dans l’ensemble des pays de l’OCDE. Dans l’enseignement secondaire, la part des enseignants âgés de 50 ans ou plus est passée de 36 % à 38 %. Cette évolution reflète le vieillissement global de la population active dans de nombreux pays développés.
La France connaît un vieillissement plus marqué du corps enseignant et une progression plus nette : 39 % des enseignants du secondaire avaient 50 ans ou plus en 2023, contre 31 % en 2013. Ce phénomène pose la question du renouvellement générationnel et de la capacité du système à assurer la relève dans les années à venir.
Un enjeu central : la question des salaires
Les rémunérations des enseignants jouent un rôle crucial dans l’attractivité du métier. En France, les salaires des enseignants expérimentés sont inférieurs aux moyennes de l’OCDE.
Entre 2015 et 2024, les salaires d’entrée ont progressé en France (+8 %), mais cette hausse reste bien en dessous des moyennes observées dans l’OCDE (+17 % dans le primaire, +16 % dans le secondaire). Pour les enseignants expérimentés, les augmentations sont quasi inexistantes : +1 % seulement dans le secondaire, et aucune progression dans le primaire.
Les revalorisations récentes, notamment la prime d’attractivité mise en place en 2023, concernent davantage les débuts de carrière. Elles restent insuffisantes pour combler le retard salarial accumulé depuis plusieurs années
Les professeurs des écoles gagnent 26% de moins que les autres diplômés du supérieur
Des salaires effectifs des enseignants sont inférieurs par rapport aux diplômés du supérieur.

Dans le Premier degré, un professeur des écoles gagne en moyenne 26% de moins, et 18% pour les professeurs du premier cycle du secondaire. Les salaires effectifs des enseignants en France sont de 13 à 17% inférieurs à ceux des autres diplômés de l’enseignement supérieur au niveau des pays de l’OCDE. Pour le deuxième cycle du secondaire, les écarts sont moindres, notamment du fait du statut des agrégés qui constitue environ 30% des enseignants. Le salaire effectif est inférieur de 10% par rapport aux autres diplômés de l’enseignement supérieurs, proche de la moyenne des pays de l’OCDE avec 9% en moyenne.
Évolution des salaires selon l’ancienneté : des milieux de carrière défavorisés inférieurs de 14% à la moyenne des pays de l’OCDE
Les enseignants de milieu de carrière sont plutôt défavorisés. Leurs salaires sont inférieurs de 14% à la moyenne des pays de l’OCDE alors que les débuts de carrière sont plus proches de la moyenne des pays (-2% pour les PE).
2015-2024 : pas d’évolution pour les milieux de carrière
Pour la première fois, le rapport observe l’évolution des salaires. A souligner que les salaires de milieux de carrière n’ont pas connu d’évolution quand les débuts de carrière ont connu une évolution de 8%.
Toutefois, la pénurie des enseignants n’est pas que liée à la question salariale soulignent les rapporteurs qui mettent en évidence différents indicateurs. Des pays où les enseignants ont une bien meilleure rémunération qu’en France connaissent également une crise d’attractivité, comme en Allemagne.
Postes non pourvus et augmentation du nombre de vacataires : 9,1% de contractuels dans le Second degré en 2021-2022
La pénurie se manifeste également à travers la présence de contractuels. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la moyenne est de 8,4 %. En France, 5,4 % des enseignants ne sont pas titulaires, un phénomène particulièrement marqué dans le second degré avec 9,1 % (7,1% en moyenne des pays OCDE). Si dans le Premier degré, le taux est de 1,3 % en 2021-22, il s’agit d’un taux triplé entre 2014 et 2022 mais inférieur à la moyenne des pays (5,6%). Le taux est très variable d’un pays à l’autre.

L’augmentation des contractuels pose la question de la formation et de la qualité de l’enseignement, des dispositifs de formation, de titularisation et de reconnaissance professionnelle.
Le nombre de vacances de poste en début d’année atteint 5% en Suède et Autriche. En France, la pénurie de postes concerne des académies (Guyane, Créteil, Versailles, Mayotte notamment) et disciplines.
Selon le rapport de l’OCDE, 0,1% du nombre d’enseignants en postes étaient non pourvus à la rentrée 2021 (816 postes). Les postes vacants aux concours de recrutement ne sont toutefois pas équivalents aux classes sans poste ou professeurs à la rentrée.
Des démissions rares, mais révélatrices d’un malaise
Le taux de démission est en augmentation mais il reste en faible proportion par rapport à un taux de démission de 6,5% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Dans les pays où le taux de démissions est élevé avec près de 12% comme la Lituanie, le Danemark ou l’Angleterre, la mobilité professionnelle est aussi plus importante dans tous les secteurs de la société.
L’absence de perspectives ou de passerelles professionnelles peut être aussi un facteur explicatif en France, comme la présence d’un concours. 2836 enseignants ont démissionné en 2021-22 contre 1002 en 2014-15.
Avec des départs à la retraite croissants dans les années à venir, la question de l’attractivité du métier, du recrutement et de la formation initiale et continue est un défi majeur pour les prochaines années. Mais pourra-t-elle se passer d’une véritable revalorisation des salaires en France autant au regard du décrochage actuel, que comparativement au passé, et au présent, dans les autres pays ?
Djéhanne Gani