Le projet éducatif de Marine Le Pen est une Ecole autoritaire, qui s’oppose à une vision émancipatrice et démocratique. Le Pen conçoit l’Ecole comme un instrument du pouvoir, dépendante et soumise au pouvoir. L’Ecole du Rassemblement National est une Ecole-caserne, ennemie de la démocratie et des principes républicains « Liberté, égalité, fraternité ». L’Ecole est conçue comme une Ecole-caserne avec des stratégies coercitives, pour les élèves comme les personnels. C’est l’Ecole de la mise au pas.
La fin de l’Ecole pour toutes et tous ?
L’Ecole de Marine Le Pen s’oppose à la démocratisation scolaire : elle prône l’orientation précoce, soit la fin de l’Ecole pour tous les élèves, enfin plus exactement la fin du collège pour les plus fragiles et les plus pauvres. C’est la fin de la promesse d’égalité et d’émancipation et l’annonce d’une augmentation des inégalités sociales et d’un retour d’une Ecole des ordres, la scolarité longue pour la bourgeoisie et l’autre plus courte pour les enfants du peuple. C’est une Ecole qui s’oppose au modèle émancipateur, juste et accueillant pour tous les élèves. Il n’y a pas un mot dans le programme sur l’inclusion, ni sur la voie professionnelle. Le terme mixité (sociale, scolaire) est également absent. Son Ecole est hostile à la démocratie, inégalitaire, excluante, autoritaire et nationaliste.
Marine Le Pen a une vision décliniste de l’Ecole, fermée, et enfermée dans le passé, à l’image de sa vision fantasmée de l’Histoire comme de la société. Elle défend un programme rétrograde et pétrifié de « restauration » (d’efficacité, d’autorité du maître et de l’institution scolaire et d’ordre). C’est un déni et une méconnaissance profonde de ce qui fonde même l’Ecole, l’enseignement avec les relations humaines, les liens qui se tissent, le mouvement de la vie et non un immobilisme mortifère, sourd et aveugle.
Le projet de Marine Le Pen est une catastrophe pour la Nation, les personnels éducatifs comme pour les élèves.
L’Ecole caserne de Marine Le Pen est un lieu de contrôle et de sanction
C’est un changement de nature profond pour les personnels éducatifs, et de mission que Le Pen propose. En effet, les personnels éducatifs, les professeurs transmettent des savoirs au service de l’émancipation.
L’éducation par la répression
La répression rimerait désormais avec l’éducation, il s’agirait donc désormais davantage d’agents de la répression tant le lexique répressif et judiciaire est présent.
Marine Le Pen propose l’instauration de sanction-plancher. Cette approche transforme le conseil de discipline en tribunal, à l’opposé des mesures éducatives, de prévention ou d’accompagnement défendues par les équipes pédagogiques.
Marine Le Pen propose également la sanction de l’absence d’assiduité avec « suspension des allocations familiales et des bourses scolaires en cas d’absentéisme avéré et de perturbations graves et répétées au sein des établissements scolaires ». La définition des perturbations graves et répétées serait à préciser… On appréciera le mélange des genres et des responsabilités imputées à l’Ecole, aides financières aux familles, comportement et absentéisme des élèves…
La couleur est annoncée : la « Finalité essentielle de l’école est de « restaurer l’autorité du maître et de l’institution scolaire » et la vision comme la méthode est donc coercitive : l’Ecole est un lieu d’éducation par la répression.
Le fantasme d’islamo-gauchisme comme de la menace islamiste n’est pas loin : le programme de Marine Le Pen inscrit le « Retour à la laïcité dans les établissements actuellement soumis à des menées islamistes. » . Dans son projet sur l’Ecole, le lien avec la justice est tenu, elle propose le « Signalement systématique au procureur de la République et répression automatique des menées islamistes dans et autour des établissements et engagement systématique de poursuites contre leurs auteurs, sous peine de sanctions disciplinaires dissuasives. »
Le postulat est donc le soupçon envers les personnels et les élèves de ne pas respecter le cadre de l’Ecole laïque.
Vers le durcissement du code de l’Education
Le programme de Le Pen prévoir de modifier le code de l’éducation « les dispositions de l’article L 141-5-2 du code de l’éducation seront durcies. En effet, cet article prévoit de ne sanctionner que d’une amende les comportements visant à exercer des pressions religieuses dans les établissements scolaires. Ces faits seront dorénavant des délits dont les auteurs encourront une peine de prison et de fortes amendes »
Le programme de Le Pen prévoit dans les réseaux d’éducation prioritaire un « renforcement en français et en histoire ». L’équation quartiers populaires, assimilation, danger de la République est posée.
Le contrôle et la surveillance sont la méthode et moyens proposés par Le Pen pour améliorer le climat scolaire. Une fois encore, c’est ignorer les besoins réels de l’Ecole qui manque de personnels formés et rémunérés à la hauteur de leur mission de service public au service de l’intérêt général.
Aux moyens humains et financiers à mettre en place, elle oppose la « généralisation de la vidéoprotection dans tous les établissements du secondaire, en priorisant les réseaux d’éducation prioritaire. Aucun acte de violence, qu’il soit commis contre d’autres élèves ou contre des membres du corps éducatif, ne devra rester impuni faute de preuves ».
Une Ecole soumise au pouvoir : des programmes définis par le Parlement
Soumise aux choix politiques, c’est donc une Ecole mise au pas au service d’une idéologie raciste et réactionnaire. Les personnels considérés comme des exécutants devraient appliquer les « programmes qui seront fixés par le Parlement ». C’est le contrôle de l’Etat sur l’Ecole. Les méthodes comme l’esprit sont contraires aux principes démocratiques. Le projet est clairement annoncé : « Reprendre en main le contenu et les modalités des enseignements, et renforcer l’orientation précoce des élèves, pour rétablir l’excellence éducative à la française. – Le Parlement fixera, de manière concise et limitative, ce qui est attendu des élèves à la fin de chaque cycle. »
L’Ecole-caserne, c’est la fin de l’indépendance des programmes et de la liberté pédagogique. Les personnels et les élèves seront sous contrôle.
Des personnels mis au pas et sous surveillance
L’École de Le Pen veut contrôler les personnels, et combattra les militants d’une Ecole plus démocratique et égalitaire. Elle souhaite le « Renforcement de l’exigence de neutralité absolue des membres du corps enseignant en matière politique, idéologique et religieuse vis-à-vis des élèves qui leur sont confiés. Accroissement du pouvoir de contrôle des corps d’inspection en la matière, et obligation de signalement des cas problématiques sous peine de sanctions à l’encontre des encadrants. »
La formation des enseignants disparait : le projet de suppression des INSPE (instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) pour la formation initiale) affaiblirait le système éducatif qui a, au contraire besoin d’un investissement dans la formation initiale comme continue aux métiers éducatifs. La haine de la pédagogie caractérise les régimes autoritaires, si les connaissances sont émancipatrices, les conditions d’apprentissages, le rôle de la pédagogie sont également essentielles.
Pétain, sous le régime de Vichy, avait supprimé les écoles normales, lieux de formation des professeurs.
Une histoire au service d’une vision nationaliste
L’Histoire chez Le Pen, comme pour Zemmour[1], est réduite à être « vecteur de transmission de l’Histoire de France et de son patrimoine » au service d’une vision (réduite et réductrice, voire déformée, manipulée et raciste) du monde et du genre humain. L’Histoire est réduite à un exercice de « réécriture nationale », roman national, outil du patriotisme et de l’assimilation, pour construire un « mythe national »[2] dans lequel figurent quelques pages blanches, comme le régime de Vichy, la guerre d’Algérie, les massacres coloniaux.
Danger pour le service public de l’éducation
Le danger de voir modifier le code de l’éducation est grand. Gravons l’esprit de ce premier Article du code de l’éducation, contraire en tous points au projet de Marine Le Pen : « Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s’enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative.
Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves.
Dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs.
Djéhanne Gani (avril 2022)
[1] Cf. Zemmour contre l’Histoire, Tract Gallimard, 2022
[2] Cf. Suzanne Citron (1922-2018), Le Mythe national. L’histoire de France revisitée, publié en 1987, réédité de nombreuses fois depuis