Travailler avec l’allemand sur un projet pluridisciplinaire autour de la transmission de l’expérience du camp de Buchenwald : c’est le projet Buchenwald que mène la professeure d’allemand Pauline Blanchet avec ses élèves du lycée Utrillo à Stains. Ce projet s’inscrit aussi dans l’histoire de Stains puisque des communistes ont été déportés à Buchenwald : les élèves vont d’ailleurs rencontré l’arrière petit-fils d’un déportés de leur ville. Ils ont déjà rencontré une rescapée d’Auschwitz lors d’une visite du mémorial de Drancy. Près de 90 ans après la création du camp de Buchenwald, alors que les voix des témoins s’éteignent, quelle mémoire se transmet, quelle mémoire survit dans les familles des rescapés ? Ce projet questionne les traces comme la circulation de la parole, et propose un voyage historique, culturel, mémoriel et sonore.
Travail de recherche sur le camp de Buchenwald et sur des déportés
Le camp de Buchenwald, était principalement destiné à la concentration de prisonniers et de prisonnières politiques de diverses origines nationales et idéologiques. Cette particularité peut avoir une influence sur la construction et la transmission d’une mémoire de leur expérience concentrationnaire.
Les élèves vont travailler autour de la figure d’une ou d’un déporté et recueillir la parole d’un membre de sa famille (enfant ou petit-enfant) afin de répondre à la question de la circulation de cette parole. Ont-ils ou elles été destinataires directs de leurs récits sur leur déportation et la vie dans le camp ? Dans quel contexte s’est faite cette transmission ? Pourquoi, au contraire, dans
certains cas, cette expérience n’a jamais été partagée au sein de la famille ? Et qu’ont-ils et
elles fait de cette parole ? Quel est leur engagement dans la transmission de cette mémoire ? Quelles formes de rejet ont pu également se manifester ?
Un voyage scolaire à Weimar,
est prévu en février 2023, au cours duquel le camp et son mémorial seront visités. Ce
voyage et les prises de son sur place serviront de fil rouge à l’ensemble des entretiens. Il permettra aussi d’intégrer du vécu et du ressenti des élèves au cours de ce projet. Anne et Pauline Hessel, fille et petite-fille du diplomate Stéphane Hessel déporté à Buchenwald, découvriront avec les élèves le site de Buchenwald et assisteront à d’autres entretiens, menés en allemand, avec des enfants de déportés politiques (communistes) germanophones.
Des entretiens en plusieurs langues
Toutefois la diversité de parcours et d’origine des prisonniers du camp va aussi donner à entendre un certain plurilinguisme. Si l’allemand est présent, seront également présentes les langues roumaines et serbes, langues maternelles de certains élèves avec les entretiens de deux représentantes du Comité International Buchenwald-Dora. La question de l’empreinte des différentes langues dans des parcours de vie transnationaux sera aussi interrogée, qu’il s’agisse de leur rejet ou de leur perpétuation au sein de ces familles.
Les élèves correspondent en allemand avec la belle-fille d’Eugen Kogon, homme politique autrichien interné à Buchenwald en raison de son opposition idéologique au national-socialisme, écrivain et président du Conseil du Mouvement européen après la guerre. Médecin au camp, il a aidé Stéphane Hessel et d’autres résistants à s’évader.
Pour ce projet, il est aussi prévu que les élèves rencontrent les enfants et petits-enfants de Stéphane Hessel, résistant, Ambassadeur de France à l’ONU après la guerre tout comme le fils de Pierre Durand, résistant communiste, rédacteur en chef adjoint au journal l’Humanité.
Les élèves vont aussi rencontré le beau-fils de Marie François Alphonse Hitter, alsacien engagé dans l’armée française, membre du réseau de résistance au sein du camp de Buchenwald, et de Magda Fernande Winnie Rovella Hitter, membre active d’un réseau de la résistance lyonnais. La fille de Jacques Pain, résistant communiste, second de François Hitter au sein du réseau de résistance au camp de Buchenwald, sera également entendue.
Quant à l’entretien avec la petite-fille de Pierre Sudreau, résistant, ministre gaulliste après la guerre, il se fera en anglais.
Tous ces témoignages reflètent la diversité des parcours des survivantes et des survivants et couvrent également plusieurs générations. Ils permettront d’entendre comment les destins de certaines de ces personnes, et parfois même leur survie, sont indissociables du réseau de résistance et d’entraide qui s’est organisé au sein du camp. Par ailleurs, ils font également surgir une sorte de réseau de résistance mémorielle qui n’en finit pas de se battre contre l’oubli encore aujourd’hui. C’est aussi de cela que la classe veut essayer de rendre compte à travers son travail dont le fruit de l’année sera un reportage sonore.
Djéhanne Gani